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Title: Le libertinage
Description: Nrf, Paris 1924, 12x19cm, broché. Édition originale, un des exemplaires du service de presse. Quelques restaurations sur le dos, rousseurs claires sur les gardes. L'exemplaire est présenté sous chemise à rabats en demi maroquin gris, dos lisse, inscription estampée à l'or?: Exemplaire de Gala en pied, étui de papier à décor moderniste bordé de maroquin gris, ensemble signé P. Goy & C. Vilaine. Précieux envoi autographe signé de Louis Aragon?: «?à Gala - on aura beau dire, il y a de petites feuilles sur les toits, et moi votre ami Louis.?» Cette poétique et énigmatique dédicace à Gala seule est empreinte de la terrible et soudaine absence d'éluard qui vient d'abandonner femme, enfant, amis et littérature pour une destination inconnue et, croyait-on, définitive. Après avoir porté un coup fatal au dadaïsme et à l'heure où le surréalisme naissant n'est encore qu'un «?mouvement flou?» (comme se plaît à le qualifier Aragon dans sa préface du Libertinage), Paul éluard, rimbaldien en diable, décide de fuir le monde, peut-être pour ne pas le quitter définitivement. Sur les épreuves de Mourir De Ne Pas Mourir, il modifie la classique dédicace en une définitive sentence?: «?Je meurs... Pour tout simplifier je dédie mon dernier livre à André Breton P. E.?», et part secrètement, le 24 mars 1924, se réfugier à Nice avant d'embarquer pour Tahiti puis Singapour. Gala se retrouve alors seule avec leur fille Cécile en bas âge et son amant Max Ernst dans la maison de ses beaux-parents qui réprouvent ces mœurs. Sans la présence complice d'éluard, la passion adultère se meurt, et rapidement le couple Gala-Ernst se défait. Bientôt, Paul préviendra sa femme et éternelle muse de ses pérégrinations et l'invitera à le rejoindre. Que savait Aragon de ce départ romantique?? à la mort d'éluard en 1952, il reviendra sur cet épisode en affirmant avoir passé avec lui la dernière nuit avant sa fugue?: «?ce qu'il m'a dit au juste je ne l'ai jamais répété et ne le répéterai jamais. C'était au temps où régnait le romantisme des départs. Il allait partir. [...] Il m'avait laissé cette mission?: casser les pattes à l'idéalisation de ce départ [...] Il disait ces mots avec rage. Tout simplement il allait voyager, voyager. Ici, il ne voyait plus devant lui.?» Certains biographes doutent de cette confession. Pourtant, si Aragon, sommé de se taire, était informé des projets de son ami, nul doute qu'il ait, à travers cette énigmatique dédicace réalisée quelques jours après le départ d'éluard, révélé à demi-mots une part de son secret à son amie anéantie. «?On aura beau dire, il y a de petites feuilles sur les toits.?» Si nous ne pouvons, avec certitude, percer le mystère de cette réconfortante dédicace, il faut sans doute en chercher la source dans la poésie même d'éluard et dans cette allégorie récurrente des feuilles accrochées aux arbres qui parsème le dernier recueil et testament littéraire du poète, Mourir de ne pas Mourir?: «?Le soir, un rien, une hirondelle qui dépasse, Très peu de vent, les feuilles qui ne tombent plus, Un beau détail, un sortilège sans vertus, Pour un regard qui n'a jamais compris l'espace.?» («?Denise disait aux merveilles?») «?Les feuilles de couleur dans les arbres nocturnes Et la liane verte et bleue qui joint le ciel aux arbres, Le vent à la grande figure Les épargne.?» («?Celle qui n'a pas la parole?») «?Un millier de sauvages [...] s'alignent avec lenteur Devant un millier d'arbres verts Qui, sans en avoir l'air, Tiennent encore à leur feuillage.?» («?Perspective?») «?On aura beau dire?». N'est-ce pas l'ombre d'éluard que désigne Aragon par cette troisième personne indéfinie?? Ces «?petites feuilles?» qui, malgré les écrits du poète, tombent tout de même «?sur les toits?» sont-elles des promesses de retour, ou une évocation de l'œuvre laissée inachevée par le poète?? Aragon, pas plus que Breton, ne croyait à ce retour. Pour tous les surréalistes, éluard venait d'accomplir le geste «?surréel?» ultime, à l'instar de Monsieur Teste, sacralisé par André Breton, qui sacrifie son œuvre à la vie?: «?à mes yeux, il bénéficiait [...] du prestige inhérent à un mythe qu'on a pu voir se constituer autour de Rimbaud - celui de l'homme tournant le dos, un beau jour, à son œuvre, comme si certains sommets atteints, elle «?repoussait?» en quelque sorte son créateur?» (A. Breton, Entretiens avec A. Parinaud). Par ce geste sacrificiel ambivalent, éluard prive le mouvement naissant d'un de ses principaux apôtres mais lui offre une figure mythique fondatrice propre à donner un sens au «?mouvement flou?» que tente de révéler Aragon dans sa longue préface du Libertinage?: «?Nous sommes des messianiques. Soit. à l'idée traditionnelle de la beauté et du bien, nous opposerons la nôtre, si infernale qu'elle paraisse?». Aragon attribue d'ailleurs à éluard la formulation théologique de la mission revendiquée par le groupe de jeunes artistes?: «?Nous défendons la cause du diable. éluard me disait un jour que c'est la faute à Dieu s'il y a un diable, et qu'il n'y aurait jamais eu d'avocats du diable, s'il n'y avait pas eu d'abord les stupides avocats de Dieu.?» La disparition de cette figure antéchristique coïncide avec l'An I du Surréalisme dont Le Libertinage est le véritable premier manifeste. Manifeste certes encore «?flou?» mais empreint de la même liberté intellectuelle qui préside au départ à la fois définitif et éphémère d'éluard. Sans doute le poète Aragon a déjà raison en comparant, dans cette émouvante dédicace, son ami à un arbre renaissant à chaque saison, car éluard, semant ses poèmes comme des «?petites feuilles?» d'amours perdus «?sur les toits?» de ses grands idéaux, ne cessera désormais de mourir de ne pas mourir. - Nrf, Paris 1924, 12x19cm, broché. [AUTOMATIC ENGLISH TRANSLATION FOLLOWS] 43194

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Price: EUR 6500.00 = appr. US$ 7064.51 Seller: Librairie Le Feu Follet
- Book number: 63154

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